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Charge qui m’est à nourrir si pénible
Qu’en travaillant le plus qu’il m’est possible,
J’ay bien souvent reçeu et despendu
L’argent plus tost que l’ouvrage rendu ;
Et, s’il advient que j’aye en ma boutique,
De fresche mode et non pas à l’antique,
Quelque harquebuse ou bien des pistolets
Faits de ma main, et non par des valets,
Et que je sois au temps de m’en defaire
En les portant où j’ay charge d’en faire,
Il faut peiner, et, pour estre payé,
Patienter quand on est delayé.
Donc, pour mon bien, portant ainsi l’ouvrage
Loing de chez moy, ceste peine et l’usage
M’ayant, ce semble, un peu par cy devant
Fait en mon art plus sage que sçavant,
Le cours du temps, qui tout forme et defforme,
Et qui rend tout à la saison conforme,
Par ce travail me faisoit esperer
Ce qu’autrefois je n’osois desirer.
Mais, n’ayant plus toute la patience
Qu’il faut avoir pour vivre en esperance,
Ny l’honneur d’estre à bien servir parfait,
Ny les moyens qu’il faut pour cet effect,
Ny la santé, qui doit este première
Au corps (prison de l’ame prisonnière),
Ny, en un mot, l’espoir de mieux avoir
Ny trouver mieux, Muse, je feray voir
Par mes escrits, à tous ceux dont j’espère
Ayde et confort au fort de ma misère,
Que plus je vay et plus je suis troublé,
De soing, d’ennuy et de peine accablé,