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Auprès de ceux qui, pleins d’impieté,
Les ont reduits en telle extremité,
Qu’il est certain que, si Dieu, qui attire
À soy les bons, tout bon ne les retire
De cet estat, les tailles et les cens,
Les interests qu’ils payent tous les ans,
Les frais sur frais et mille autres subsides20,
Qui, surpassant le travail des Belides,
Feront mourir du soir au lendemain
Ces pauvres gens de misère et de faim ;
Car j’en ay veu, tous les jours dans la peine,
Se nourrissant de raves et d’avoine,
Et d’eau bouillie, ou bien de petit laict ;



20. On trouve dans les fragments du Voyage de Locke en France, de 1675 à 1679, donnés par la Revue de Paris, t. 14, un passage sur l’état des paysans qu’on peut rapprocher de celui-ci. « J’ai, dit Locke, p. 75, causé long-temps avec un paysan, qui m’a dit qu’il avoit trois enfants en bas âge, et que pour nourrir sa femme, lui-même et ses enfants, il gagnoit sept sous par jour. Là-dessus il falloit payer la taille, le loyer de la cabane, et vivre, non seulement pendant les jours ouvrables, mais les dimanches et jours fériés, jours où l’on ne travailloit pas. La maison de ce malheureux, ou plutôt la hutte misérable où sa famille étoit entassée, ne se composoit que d’une seule chambre à une seule porte, sans fenêtre ni cheminée, découverte par le haut et de l’aspect le plus affreux. Il louoit ce taudis douze écus par an, plus quatre livres pour la taille. Quelques jours auparavant, le collecteur avoit enlevé les ustensiles du ménage, la poêle a frire et la marmite. Pour nourriture ordinaire, ces pauvres gens n’ont que du pain de seigle et d’avoine et de l’eau, rarement de la viande. » Ailleurs, p. 15, il avoit dit, après une visite faite aux galères de Marseille : « Les galériens ont meilleure mine que les paysans. »