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venant jusques aux oreilles de la France, il se trouva un de ses cavalliers tellement espris et passionné au simple raport de l’idole, qu’il se delibère de s’equiper de son possible pour aller coler sa veue sur le subject lequel luy faisoit horriblement bouillir la vessie, à cause des devorantes flammes qu’amour attisoit sur le buscher de son cœur, tellement que, pour attaindre plus commodement l’epilogue de la comedie, il desgueilleta3 les esperons de gentilhomme pour chausser la mitaine d’un fauconnier4 verreux, croyant par tel moyen estre receu dans la maison de son doux esmoy, c’est à dire de ceste aymable image, au recit qu’il avoit ouy que le Monsieur aymoit moult la fauconnerie. Or arriva comme il se seroit proposé : après qu’il eut servi l’espace de quatre ou cinq ans de fauconnier, l’office de maistre d’hostel venant à vaquer par mort, à cause de ses agreables services et qu’il estoit tout propre pour une meilleure affaire, les destinées ayant escrit dans leurs feuillets d’airain une bonne fortune, il eut la charge que ses merites ne luy pouvoyent refuser ; mais icelle exerçant fort bragardement sans bouger les yeux de la teste, il fit tant


3. C’est-à-dire ôta les aiguillettes, les lacets qui retenoient ses éperons.

4. Boccace dit qu’il se fit domestique du mari, mais sans indiquer la charge qu’il prit dans la maison. La Fontaine, au contraire, d’accord avec ce qu’on lit ici, soit par hasard, soit parcequ’il connoissoit en effet notre pièce, dit :

Messire Bon, fort content de l’affaire,
Pour fauconnier le loua bien et beau.