Sa cour, que dis-je ? helas ! c’est un langage
Dont à trois ans on ignore l’usage.
Sans tant tourner, disons qu’il l’alloit voir,
Plus par instinct même que par devoir.
Le cœur, qui fut son guide et son genie,
Ne connoît point tant de ceremonie.
Depuis long-temps flaté de ce plaisir,
Le pauvre enfant brûloit d’un vrai desir
De voir le prince, et disoit à toute heure :
Quand le verrai-je ! Il se tourmente, il pleure,
Il veut le voir. Soyez sage, et demain,
Lui disoit-on, vous le verrez. Soudain
Il s’appaisoit ; une telle promesse
Plus le touchoit que bonbons et caresse.
Arrive enfin ce jour tant souhaité,
Long-temps promis, et souvent acheté.
D’attendre au moins qu’un moment on l’instruise,
Point de nouvelle ; il faut qu’on l’y conduise
Sans differer. Enfin, pour faire court,
On l’y conduit, ou plutôt il y court.
Dès qu’il le voit, ne se sentant pas d’aise,
Il vole à lui, saute à son cou, le baise
De tout son cœur : qui n’en feroit autant
Si l’on osoit ? N’en faites rien pourtant.
Un tel debut, quoique assez pardonnable,
Muse, n’eut pas un succès favorable.
Bientost le prince, étant debarrassé
Des petits bras qui l’avoient embrassé,
Sur l’embrasseur jette une œillade fière,
En reculant quatre pas en arrière.
Son petit cœur, mais noble, et qui se sent,
Est tout ému de ce trait indecent.
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