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De vray, pour les bouchers, s’ils n’ont rien valu tout le long de l’année, ils ont moyen d’estre gens de bien durant le caresme, d’aller aux predications et gaigner les indulgences aux hospitaux6 de Paris, et quatre religions mandiannes, pour demander pardon à Dieu des faux sermens qu’ils ont faits l’espace de dix mois et demy, quand ils jurent, vendans leurs viandes : — Par ma foy, j’en auray autant ! Par Dieu, vous n’en mangerez pas à moins ! Le diable m’emposte s’y elle ne revient à davantage que vous ne m’offrez ! Je meure presentement si vous ne l’eussiez point trouvée sur l’estal à six blancs plus que vous ne voulez donner ! La bosse m’estouffe le cœur si le mouton n’est tendre ! Dieu me dampne si la teste n’a que quatre dents de laict ! et autres tels execrables parjuremens, par lesquels ils engagent leurs ames à tous les vallets de pied de Lucifer ; car je croy bien que ces gens craignans Dieu, de peur d’uzer leurs genoux comme les chameaux, font assez bresve oraison, tant le souvenir du nectar de Bacchus les presse d’entrer au premier cabaret trouvé, ou prendre une boulle en main pour jouer, au premier faux-bourg, au cochon7 ou à la taille.



6. C’est-à-dire aux couvents des quatre ordres mendiants : les Jacobins, les Franciscains, les Augustins et les Carmes.

7. C’est-à-dire au cochonnet, sorte de jeu de boule dont a parlé Rabelais, et qui étoit l’amusement favori des artisans de Paris au XVIIe siècle. Il y avoit sur les remparts, près des portes, des emplacements réservés pour les joueurs au cochonnet et au mail. La rue à laquelle ce dernier jeu a donné son nom étoit encore hors des murs au commence-