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Depuis cinq ou six jours (vrai comme Dieu m’entend)
J’ai pour le moins perdu cent fois de mon argent.
Il faut qu’en calculant madame se mecompte,
Ou qu’au marché on manque à me rendre mon compte.
Accompagnant ces mots d’une exclamation,
Chacun de votre sort aura compassion ;
Et le laquais chargé d’ecrire la depense,
Pourvu qu’il ait de vous la moindre recompense,
Et qu’en l’art de compter un maître l’ait instruit,
Daignera par bonté d’un zero faire un huit5.
Il n’est point, selon moi, de meilleure ressource
Ni de plus sûr moyen pour faire enfler la bourse.
Je me souviens toujours qu’en certaine maison
Je fis heureusement rencontre d’un garçon
Qui pour mes interêts se donnoit tant de peine
Qu’il me faisoit profit d’un ecu par semaine.
En revanche, j’etois son bras droit, son appui,

Et les meilleurs morceaux etoient toujours pour lui.

La Jeune.

Mais si Madame ecrit la depense elle-même ?

La Vieille.

En ce cas, j’en conviens, l’embarras est extrême :


5. C’étoient souvent les écrivains publics du Charnier des Innocents qui, moyennant salaire, rendoient aux cuisinières des grandes maisons le service d’arranger leur compte, de faire d’un zéro un huit, ou d’allonger les ſ pour faire d’un sol un franc. « Nous verrions, dit Palaprat, à la scène 6e, acte 2, d’Arlequin-Phaéton, les Hérodotes du cimetière Saint-Innocent, levez dès la pointe du jour pour travailler avec application aux histoires fabuleuses du maître d’hôtel et de la servante. » (Le Théâtre italien de Gherardi, t. 3, p. 424.)