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On voit par escadrons les escargots courir,
Et d’un germe gluant les murailles couvrir.
C’est dans ce lieu charmant, dans ce sejour aimable,
Que deux ais, vieux debris d’une mechante table,
Servent à soutenir un malheureux grabat
Pour le moins aussi dur que celuy d’un forçat.
Malgré sa dureté, je dors comme un chanoine :
On m’entendroit ronfler du faubourg Saint-Antoine.
Mais, helas ! je commence à peine à sommeiller,
Je n’ay pas fermé l’œil, qu’il faut me reveiller !
Car j’entens tirailler une indigne sonnette,
Qui, de son bruit perçant ebranlant ma couchette,
Me dit d’aller ouvrir la porte aux compagnons.
Je saute donc du lit, et, marchant à tâtons,
Souvent transi de froid, je tempête et je jure
De ne pouvoir trouver le trou de la serrure.
C’est encor pis vingt fois quand, au fort de l’hyver,
Je trouve le chemin de neige tout couvert :
Car, voulant promptement faire entrer ces maroufles,
Je traverse les cours sans souliers ni pentoufles.
Je me trace moy-même avec peine un chemin,
Et me guidant bien moins des yeux que de la main,
La voix d’un furieux qui contre moy s’emporte
Me met dans le sentier qui conduit à la porte.
J’ouvre donc, et par grace un d’entr’eux m’avertit
Que je puis, si je veux, m’aller remettre au lit.
Helas ! je n’y suis pas que deux de ces belîtres,
Faisant les timbaliers sur un paneau de vitres,
M’annoncent par leurs cris qu’il faut faire du feu.
Comme tout valet neuf doit se contraindre un peu,
Je m’habille à la hâte, et d’un esprit docile
Je feins de trouver tout agreable et facile.