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cus. Tels furent autrefois (sauf leur honneur et meilleur advis) le bon homme Aristophane pour le premier, qui s’est amusé à faire un long discours


les bouffons dont nous parlons, qu’elle avoit d’abord été robe de moine et d’écolier, et par là tout à fait prédestinée à la malice et aux bons tours. La Fontaine semble avoir eu vent de cette origine quand il a dit, au commencement de son conte de l’Ermite (11, 15) :

Gardez le froc, c’est un maître Gonnin.

M. Walckenaer, prenant l’éveil sur ce vers, mit en note : « Le mot gone, en ancienne langue romane, signifioit toutes sortes d’habillements, et surtout une robe de moine. Je crois que le mot gonin en est dérivé. » C’est ce que nous soutenons, en tâchant de le prouver plus complétement. Nous trouvons en Italie, dès le XIVe siècle, un bouffon qui prit ainsi son baptême de la malicieuse robe ; seulement, comme on ne l’y désignoit que par son diminutif gonella, c’est aussi par ce diminutif qu’on désigna le farceur : on l’appela Pietro Gonella. Il vivoit à la cour d’un duc de Ferrare, dont il semble avoir été le fou en titre d’office. Ses bouffonneries, qui sont souvent citées dans les Nouvelles de Sacchetti, et dont on fit un recueil dès le commencement du XVIe siècle, le Bufonerie del Gonnella, Firenze, 1515, in-4, coururent toute l’Europe. En Espagne elles étoient si populaires que Cervantes, pour dépeindre d’un trait la maigreur de Rossinante, se contenta de dire, sûr d’être compris, qu’il avoit plus triste apparence que le cheval de Gonéla. C’étoit une allusion à l’histoire, tant de fois rajeunie depuis, de cette pauvre rosse étique et décharnée que notre farceur avoit mise en défi avec le meilleur cheval du duc. Il avoit parié qu’elle sauteroit plus haut : il la fit jeter du haut d’un balcon, et, comme le duc ne se soucia point de l’épreuve pour son cheval, Gonella gagna le pari. Cette popularité du Gonella italien, qui dut se répandre en France plus facilement