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temps pour l’homme, et non l’homme pour le temps ou les viandes ; que la gourmandise et friandise se pouvoit mieux exercer souz le règne de Caresme que souz le sien, l’empire duquel s’estendoit sur les carpes de Saône, truites, brochets, estourgeons, saumons, saules, cabots, rougets, lamproyes, alouzes, eguilles marines, escrevices et autres sortes de poissons de mer, d’estangs, de fleuves, de rivières et de mareschages, dans la saulse desquels gisoit l’esguillon de la friandise ; et que c’estoit luy qui estoit le paillard, provocquant ordinairement le monde à luxure9 ; que luy seul estoit le père de Venus, fille de la mer, id est, expliquant la fable, fille de la saleure, dans laquelle principalement et particulierement consistoit ledit Caresme ; que mesme il n’estoit autre chose que salure : ce qui mesme se verifioit par les registres des eglises du mois d’octobre, novembre et décembre, pendant lequel temps il s’y baptisoit plus d’enfans desquels la conception venoit à estre en fevrier, mars et avril, durant les-


9. Il a été reconnu que le poisson, en raison du phosphore qu’il contient tout formé, principalement dans les laites, possède une grande vertu prolifique. Brillat-Savarin, dans sa méditation VIe, s’étend sur cette particularité, sur ses causes, sur ses effets, et ajoute : « Ces vérités physiques étaient sans doute ignorées de ces législateurs ecclésiastiques qui imposèrent la diète quadragésimale à diverses communautés de moines, telles que les Chartreux, les Récollets, les Trappistes et les Carmes déchaux réformés par sainte Thérèse : car on ne peut pas supposer qu’ils aient eu pour but de rendre plus difficile l’observance du vœu de chasteté, déjà si anti-social. » (Physiologie du goût, édit. Charpentier, p. 109.)