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d’esprit et la tranquillité d’un homme qui, dans son cabinet, raisonne sur un plan de ce qu’il faut faire. Mon père, qui eut l’honneur de ne quitter pas ses côtés d’un instant, ne parloit jamais de cette action de son maître qu’avec la plus grande admiration.

Après la bataille eut lieu l’entrevue du roy et du duc de Savoie. Le roy demeura à cheval, ne fit pas seulement mine d’en vouloir descendre, et ne fit que porter la main au chapeau. Monsieur de Savoie aborda à pied de plus de dix pas, mit un genou en terre, embrassa la botte du roy, qui le laissa faire sans le moindre semblant de l’en empêcher. Ce fut en cette posture que ce fier Charles Emmanuel fit son compliment. Le roy, sans se decouvrir, repondit majestueusement et courtement.

Lorsque, sous le règne suivant, le doge de Gênes vint en France10 faire ses soumissions au roy (Louis XIV), après le bombardement, le bruit qu’on en fit11 m’impatienta par rapport à Louis XIII et


10. Au mois de mai 1685.

11. On peut voir la relation de cette réception dans le Dangeau complet, sous la date des 15 et 18 mai 1685. Comme on demandoit au doge ce qui l’avoit le plus étonné à Versailles : « C’est de m’y voir », auroit-il répondu. Si le mot étoit vrai, Dangeau ne l’eût pas oublié, car il en cite d’autres du doge. Il se nommoit Francesco Maria Imperiali ; il étoit venu avec quatre sénateurs qui l’accompagnèrent partout. La loi de Gênes, comme en prévision de l’affront infligé à la république en cette circonstance, vouloit que le doge perdît sa dignité et son titre sitôt qu’il