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gent de volonté et louèrent deux chambres garnies dans les marests du Temple20, où ils logèrent ensemblement, resolus d’y faire leçon particulière et publique : Le temps est venu (disent-ils) de prodiguer et fructifier, et par noz enseignemens attirer à nous les hommes de ce siècle. Pour cet effect, ils


20. Robert Fludd, en un passage de l’Apologie qu’il fit de ses confrères de la Rose-Croix, parle de l’un d’eux qui étoit venu, comme il est dit ici, loger aux Marais du Temple, et à qui la plus merveilleuse aventure seroit arrivée par suite d’une experience sur du sang humain. Un samedi matin, à l’heure où le prêtre dit la messe, il s’étoit mis à en distiller dans une cornue ; puis, les jours suivants, il en avoit encore versé goutte à goutte, en suivant le rite cabalistique. Le vendredi, comme il dormoit dans la chambre voisine de son laboratoire, voilà que vers minuit un bruit affreux, semblable au beuglement d’un bœuf, se fait tout à coup entendre. Le corps ruisselant d’une sueur froide, il se lève sur son séant, et, à travers la fenétre éclairée par les rayons de la lune, il voit passer une sorte de nuée qui peu à peu revêt une forme humaine et disparoît en poussant un cri aigu. Le lendemain, de très bonne heure, lorsqu’il eut ôté la cornue du feu et qu’il l’eut brisée pour voir le résultat de son opération, il y trouva une tête humaine tout ensanglantée. Alors il lui revint à l’esprit ce qu’un vieil alchimiste son maître lui avoit dit, à savoir que si pendant l’œuvre magique un de ceux qui ont fourni le sang vient à mourir, son âme commence d’errer toute plaintive autour du lieu où son sang a été répandu. Le seigneur de Bourdaloue, qui, en sa qualité de secrétaire du duc de Guise, habitoit l’hôtel voisin du lieu où ce prodige s’étoit passé, en avoit fait le récit à Fludd lors du voyage que celui-ci fit à Paris, peu de temps après.