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frère commença de doubter du fait ; de sorte que, se levant de cholère et s’escriant contre les esclaves, les menassa de les faire mourir s’ils ne rebroussoient la route vers Algier. Mais tout cela ne servit de rien, d’autant qu’ils estoient plus forts, et l’eussent jetté dans la mer, ne feust que la royne les en garda. Si luy racompta fort amiablement les raisons de son despart, et comme, pour l’amour qu’elle luy portoit, ne vouloit pas permettre que luy fust faict aucun desplaisir ; mais qu’elle le vouloit bien prier qu’il se contentast de venir avec soy et qu’elle luy feroit cognoistre combien elle l’aymoit, luy faisant conquester un royaume plus grand que celuy de son frère, entendant le paradis. Mais luy, ne prenant pas en payement ces bonnes remonstrances, devint comme enragé, si qu’elle feust contrainte de commander de le lier et le mettre de son beau long au brigantin. Après, se tournant vers ses damoyselles, les conforta, remonstrant comme elles devoient se contenter de ceste adventure, leur promettant de les conduire en un pays où elles demeureroient de plus en plus contentes. Ainsi doncques, gaignées tant par sa doulceur et bonne grâce que par les menaces des esclaves, estant la mer calme et propice, se laissèrent conduire, et bien tost après arrivèrent à Majorque, où elles furent receues de l’evesque, en grande joye et feste, comme on peut penser qu’en tel evenement on a coustume de faire, qui les baptiza toutes, excepté le beau frère, qui demeura obstiné et fort mal contant de tout ce qui s’estoit passé. S’estant là reposées par quelques jours en la cité de l’isle de Maiorque, et par le dict