mine universelle. Nous nous laissons presque emporter au long et au loing.
Mais lorsque le desespoir est prest de nous gaigner, la largesse celeste nous retient : la main de Dieu ouvre ses benedictions et thresors d’abondance : il nous remplit de tant de biens, que nous nous trouvons grandement empeschez à les resserrer. Pour cela, nostre legereté ne peult estre asseurée avec solidité en la puissance celeste ; nous faisons de mesmes que ceux lesquels, eschappez d’une très perilleuse tourmente, lorsqu’ils se trouvent à bord, ne se ressouviennent du danger auquel ils ont esté ; avons-nous des biens à planté3, il nous semble
être assuré qu’elle seroit détruite partout où passeroient ces pillards ; ce qui eut lieu en effet, et la disette s’en augmenta. Si du moins, ajoutoit-il, le roi avoit une armée qui pût les arrêter à la frontière ! mais les forces étoient trop divisées pour cela, les finances trop pauvres. Un espoir restoit, c’est que leurs alliés de France ne fussent pas prêts à les joindre, et donnassent ainsi le temps de les attaquer et de les détruire séparément : « Si les forces françoises leur manquent, dit Schomberg, ils sont perdus. On leur promet vingt mille François à pied et à cheval ; j’écris bien et fais dire partout qu’ils n’y trouveront pas un, si ce ne sont ceux qui s’y trouveront pour leur rompre la teste. » Et ici encore Schomberg disoit vrai.
3. Planté est un vieux mot qui signifioit multitude, abondance. On lit dans Monstrelet (liv. I, ch. 77) : « Grand planté de clergé et de peuple. » Dans Rabelais (I, ch. 4) : « Gargamelle mangea grant planté de trippes. » De là, pour signifier beaucoup, en abondance, l’expression à planté qui se trouve partout (V. Ancien Théâtre, t. II, p. 286), ou celle-ci : à grand’planté, qui se lit notamment dans ce pas-