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Que si quelqu’un gardoit les brebis à la lune19,
Pendillant tout ainsi qu’un bordin vermoulu,
Ils repliquoient : Ainsi Fortune l’a voulu.
Si d’autres ils sentoient de qualité fort basse
Elever jusqu’au ciel leur grand bec de becasse,
Ils disoient, en voyant tout Crœsus dissolu :
Que voulez-vous ? Ainsi Fortune l’a voulu,
Donnant comme elle veut à chacun sa chacune,
Car tel ne cherche rien qui rencontre Fortune,
Et souvent c’est à ceux qui ne la cherchent pas

Qu’elle fait les doux yeux de ses doubles ducats20.

Ha ! que si l’alchimie avoit dans sa cabale
Cette pierre trouvé, qu’on dit philosophale,
Les doctes porteroient jusques au ciel leur nez,
Et chimistes, sans plus, se diroient fortunez ;
De Fortune icy-bas l’on ne parleroit mie,
Ceux là seuls seroient grands qui sçauroient l’alchimie.
Vous ne verriez alors tant de doctes esprits
Bottez jusqu’au genouil des crottes de Paris,
Mal peignez, deschirez, le soulier en pantoufle,
Les mules aux talons, n’ayant rien que le souffle,
Et, le fouet en la main, pauvres predestinez,
Recouvrer au Landy21 deux carts d’escus rognez,
Pour se traitter le corps le long d’une semaine,


19. C’est-à-dire être pendu.

20. Cela fait penser aux beaux yeux de la cassette d’Harpagon.

21. À l’occasion du Landy, ou foire de l’Indict, à Saint-Denis, qui étoit, comme on sait, un temps de fête pour l’Université, les écoliers faisoient des cadeaux à leurs maîtres. C’étoit d’ordinaire « un beau verre de cristal plein de dragées » et un citron dans l’écorce duquel on avoit fiché quelques écus. V. Francion, édit. de 1663, p. 160–161.