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Et en siècle d’airain changer le siècle d’or,
Et devenir soudain de consule rethor.
J’ay veu des pins fort hauts eslever leurs perruques
Par sus le front d’Iris, et tout d’un coup caduques,
Arrangez sur la terre, et ne servir qu’au dueil
D’un cadaver puant pour faire son cercueil ;
J’ay veu de Pharaon les pompeux excrcites,
Et contre Josué les fiers Amalechites
Gripper, triper, friper ; et après un combat
Je passe de rechef, et ecce non erat13.
Sur la flotante mer je voyois un navire
Qui menaçoit la terre et les cieux de son ire ;
Mais, tout soudain rompant le cordage et le mast,
Je cherche mon navire, et ecce non erat.
J’ay veu ce que j’ay veu, une rase campagne
Enceinte devenue ainsi qu’une montaigne,
Qui pour mille geants n’enfanta qu’un seul rat ;
Où est-il ? je regarde, et ecce non erat.
Bref que n’ay-je pas veu, que ne contemplé je ores ?
Et avant que mourir que ne verray-je encores ?
Le monde est un theatre où sont representez

Mille diversitez de foux et d’esventez14.



13. C’est le passage des psaumes si magnifiquement paraphrasé par Racine dans le chœur du 3e acte d’Esther :

Je nJ’ai vu l’impie adoré sur la terre
Je n.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Je n’ai fait que passer, il n’étoit déjà plus.

14. C’est une imitation de ce passage d’Horace, tota vita fabula est, si bien paraphrasé par J.-B. Rousseau dans son épigramme :

Ce monde-ci n’est qu’une œuvre comique
Où chacun fait des rôles différents...