Page:Variétés Tome IV.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dira à son valet : Suis-je pas bien botté ?
Fraizé comme Medor, n’ay-je pas bonne grâce ?
C’est mon4, dict le laquay, mais garde la besace,
De gripper la fortune assez vous essayez ;
Mais tandis les marchands veulent estre payez,
Et n’y a dans Paris tel courtaud de boutique5
Qui, vous voyant passer, ne vous face la nique,
Et ne desire bien que tous les courtisans
Fussent aussi taillez comme les paysans,
Qui, taillables des grands, n’ont point d’autres querelles
Que tailles et qu’impôts, que guets et que gabelles.
L’on ne fait rien pour rien, et pour l’odeur du gain
Le manœuvre subtil prend l’outil en la main.
Mais vous, guespes de cour, gloutonnes sans pareilles,
Vous mangez le travail et le miel des abeilles,
Et ne ruchez jamais, ny d’esté ny d’hyver.
Quand ils sont attachez à leurs pièces de fer,
Et qu’ils ont au costé (comme un pedant sa verge)
Joyeuse, Durandal, Hauteclaire et Flamberge6,
Ils presument qu’ils sont tombez de paradis,
Ils pissent les ducats pour les maravedis ;
Les simulacres vains des faux dieux de la Chine



4. Ou ça mon, sorte d’interjection familière très employée chez les gens du commun au XVIe et surtout au XVIIe siècle. V. Montaigne, liv. 2, chap. 27 ; Molière, le Bourgeois gentilhomme, act. 3, sc. 3 ; et Francion, 1663, in-12, p. 55.

5. C’est une expression qui commençoit à avoir cours, mais à laquelle on donnoit toujours un sens méprisant. Regnier l’emploie ainsi au vers 237 de la satire V.

6. Joyeuse étoit l’épée de Charlemagne, d’après les romans de chevalerie ; Durandal, celle de Roland ; Haute-Claire, celle d’Olivier ; Flamberge, celle de Renaud de Montauban.