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Et chacun, sans placet, sans tant de doléance,
Rachettoit son portrait et payoit le silence.
C’est ainsi qu’on aimoit en un siècle si doux,
Sous un prince charmant qu’on voit revivre en vous ;
Mais aujourd’huy qu’amour daigne suivre la mode,
Que le moindre respect passe pour incommode,
Nous trouvons tout au plus quelques fameux coquets5
Qui n’ont jamais sur eux que des madrigalets,
Qui courent nuit et jour, se tourmentent sans cesse,
Sans enrichir jamais ni voleur ni maîtresse ;
Qu’ils marchent hardiment : ils font peu de jaloux,
Et n’ont à redouter ni maris ni filoux ;
Pour tous leurs rendez-vous ils peuvent prendre escorte,
Sans besoin de la nuit et de la fausse porte.
Mais la licence règne avec un tel excès,
Qu’ils osent bien se plaindre et donner des placets.
Ne les ecoutez pas, ils sont pleins d’artifice ;

Prononcez cet arrest tout remply de justice :

Un amant qui craint les voleurs
Ne merite point de faveurs.

1664. Mlle de Scudéri.



5. Mot alors assez nouveau dans la langue. Il ne remontoit pas plus loin que le temps de Catherine de Médicis, de l’aveu de Mlle de Scudéry elle-même. (Nouvelles conversations de morale, t. 2, p. 755 ; Hist. de la coquetterie.)