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Voulez-vous que nous soyons, comme vous, chetifs, mesquins et innocens ? Ah ! je sçavois bien que vous aviés encore quelque chose à nous reprocher, que vous aviez meilleure conscience et que vous faisiés plus de bien aux eglises en vostre temps que nous.

Hé ! bon homme ! vous ressemblez à ceux qui composent les almanachs : à faute de bien calculer, vous nous predisez de la pluye au lieu de beau temps. S’il falloit mettre à la balance les gens de bien de vostre temps avec ceux du nostre, il faudroit, par necessité, pour vous rendre esgaux, y mestre encore avec vos bons tous les meschans ensemble, encore vostre costé monteroit.

Si de vostre temps les rois, les princes et la noblesse ont fondé de beaux temples que nous avons encore à present, n’en attribuez point l’honneur aux peuples, car ils n’y ont jamais songé et n’en avoient pas le moyen ; mais à present, combien on a veu de liberalité à nos peuples, par le moyen de laquelle on a basti tant de nouvelles eglises et tant de monastères, quy, en moins de deux ou trois ans, d’une structure admirable, ont esté parachevés, et dont la despense d’un seul de ces monuments a plus cousté que six de l’antiquité ! Eglises remplies de religieux, quy, fuyant l’avarice, ont quitté et abandonné leur patrimoine pour vivre en un lieu de pauvreté.

Avez-vous veu en nostre temps des hommes quy, sans quitter leur vacation ordinaire, continuant dans le monde la fonction de leur charge, donnent tout ou la plus grande partie de leur gain aux pauvres