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mais à eux appartenais en toute proprieté ; et n’y a qu’une chose fascheuse en cela : c’est que les honneurs changent les meurs en ceste grande vogue ; ils meprisent le limestre35, et partant leur paranté. Mais quoy ! c’est la grandeur du temps.

Il faut que tout s’entresuive : la manificence des banquets à six services36, à quatre et six pistoles37 par teste. Je croy que la France est à sa dernière periode pour sa splendeur, et ne crois pas que cela ogmente, mais plustot diminue.

Je vous defens pourtant, bonhomme de l’antiquité, d’en discourir mal à propos, et de dire que ces gran-


35. Le limestre étoit une sorte de serge drapée qui se fabriquoit à Rouen et à Darnetal. Selon quelques uns, entre autres Furetière, cette serge fut ainsi appelée du nom de celui qui en fabriqua le premier ; mais Brossette et Le Duchat y voient une altération de Licestre ou Leicester, comté d’Angleterre, d’où venoient en effet de bonnes serges, « ces balles de Lucestre » dont parle Rabelais, liv. 2, chap. 12. Regnier (sat. 13, v. 114) dit dans le même sens qu’ici :

Combien, pour avoir mis leur honneur en sequestre,
Ont-elles en velours eschangé leur limestre !

36. Ce luxe gastronomique avoit commencé sous le règne de Henri III : « On ne se contente plus, à un dîner ordinaire, de trois services, consistant en bouilli, rôti et fruit ; il faut, d’une viande, en avoir de cinq ou six façons : des hachis, pâtisserie, salmigondis. Chacun veut aller dîner chez le More, chez Samson, chez Innocent, chez Havart. » Pièce citée par De Mayer, Galerie philosophique du XVIe siècle, in-8, t. 2, p. 362.

37. V., sur ces écots si coûteux, une note de notre édit. des Caquets de l’Accouchée, p. 28, et notre t. 2, p. 202.