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Nos chapons en harans, en febves nos poulets,
Et nos langues de bœuf en vieux harans sorets,
Nos perdrix en moulue3, nos cailles en anguillettes,
Et nos faisans en rais puantes et infectes.
Pastez de venaison seront changez en noix,
Nos lièvres et levraux et nos lapins en pois ;
Oys sauvages et canards, pluviers et courlies,
Seront changez aussi pour des seiches pouries4 ;
Et bref, tout le surplus de ces frians morceaux
Seront changez en raves, eschervises, naveaux ;
Nos dances, nos ballets, mousmons5 et masquarades,
Nos musiques de voix, en cris et hurlemant
Qu’on fera pour la mort de Caresme prenant.
Hé ! qui sera celuy qui de ses deux paupières
Ne fera distiler deux coulantes rivières,
Lorsque, par le deceds de ce prince tant bon,
Il se verra exclus de manger d’un jambon ?
Pleurez, pleurez, pleurez, pleurez en milles diables ;
Hé ! pleurez pour celuy qui faisoit que les tables



3. C’est ainsi qu’on appeloit la morue au XVIe siècle. « C’estoient moulues au beurre frais », dit Rabelais, liv. 4, chap. 32. Le Martinet de la 65e nouvelle de Des Perriers prononce aussi de cette manière : « Depuis, dit la Monnoye, commentant ce passage, on a dit molue, et enfin morue, qui est aujourd’hui le mot d’usage. »

4. Long poisson de mer dont la chair est très mauvaise à manger, et le même qui passoit alors pour produire l’encre nommée sépia. V. Lemery, Traité des alimens, p. 414.

5. Momons, sorte de mascarade qui, par son nom, est un souvenir évident du dieu Momus. Quelquefois c’étoit une idole burlesque ou obscène, comme dans le Balet des andouilles porté (sic) en guise de momon, 1628, in-8.