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s’estre trouvé en si nouveau travail, n’oublia de soy lever plus matin, de peur d’estre cogneu, et s’en retourna tout gay en la boutique, sans se vanter de la faveur qu’il avoit receu de la dame, laquelle, sur les sept heures, prend le chemin du marché pour acheter des vivres, et, retournant en la maison, rencontra son mary, qui estoit en la bouticque, lequel, apercevant un gras chapon qu’elle tenoit, luy demanda s’il y avoit quelqu’un de ses parens à disner au logis. La dame, passant plus outre, lui respond que non. Le mary, qui n’avoit accoustumé de tenir si gras ordinaire, ne fut content de cette responce, et la poursuyvit l’interrogeant de son marché. Sa femme, hochant la teste, lui replicque : Voire vrayement, un chapon ! il me semble que ne devez point tant faire le courroucé, veu que l’avez si bien gaigné. Je ne sçay quel gibier aviez mangé : ceste nuict vous estiez quasi enragé. À ce mot d’enragé, le mary fut fort estonné d’une telle responce, et cogneut par là son evidente sottise ; tellement qu’en ceste extrême cholère, sans plus parler du chapon, rencontrant ce jeune garson, lequel, voyant les estranges menaces, et craignant la violence et fureur de son maistre, sort du logis et se retire chez son père, qui commença soudain à le reprendre d’une rigoureuse façon, luy disant que c’estoit un enfant qui estoit perdu, qui ne valoit rien et qui ne demandoit qu’à fuyr la bouticque. Ce pauvre garson, ainsi chassé de tous costez sans sçavoir où soy retirer, n’osoit retourner à son maistre, et s’en alloit promenant par la ville pour chercher lieu seur à se