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Pour fidèle compagne, et non comme servante,

Enchargeant à tous deux un amour mutuel.

Ô bien heureux accord ! ô sacrée alliance !
Present digne des cieux, gracieuse accointance,
Pleine de tout plaisir, de grace et de douceur,
Si l’homme audacieux n’eust, à sa fantaisie,
Changé tes douces loix en dure tyrannie
Ton miel en amertume, et ta paix en rigueur !

À peine maintenant sommes-nous hors d’enfance,
Et n’avons pas encor du monde cognoissance,
Que vous taschez desjà par dix mille moyens,
Par presens et discours, par des larmes contraintes,
À nous embarasser dedans vos labyrintes,
Vos cruelles prisons, vos dangereux liens.

Et comme l’oiseleur, pour les oiseaux attraire
En ses pipeuses rhets, sçait sa voix contrefaire,
Aussi vous, par escrits cauteleux et rusez,
Faites semblant d’offrir vos bien humbles services
À nous, qui, ne sçachant vos fraudes et malices,
Ne pensons que vos cœurs soient ainsi desguisez.

Nous sommes vostre cœur, nous sommes vos maistresses4 ;
Ce ne sont que respects, ce ne sont que caresses ;
Le ciel, à vous ouïr, ne vous est rien au pris ;
Puis vous sçavez donner quelque anneau, quelque chaisne,


4. Ce mot, qui correspond, et, comme dit Henri Estienne (Traicté de la conformité du langage françois avec le grec, Paris, 1569, p. 46), qui « a convenance avec le latin domina », n’étoit pas d’un usage très ancien dans le langage des amoureux. Brantôme, en faisant remarquer que « ce mot de maistresse ne s’usoit » du temps du petit Jean de Saintré, semble indiquer, ce