Disant : Mon Dieu, aye pitié de moy ;
Donne-moy paix et me retire à toy,
Car mon ame est de trop de maux suivie.
Muses, qui chastement passez vostre bel aage
Sans vous assujettir aux loix du mariage,
Sçachant combien la femme y endure de mal,
Favorisez-moy tant que je puisse descrire
Les travaux continus et le cruel martyre
Qui sans fin nous tallonne en ce joug nuptial.
Du soleil tout voyant la lampe journalière
Ne sçauroit remarquer, en faisant sa carrière,
Rien de plus miserable et de plus tourmenté
Que la femme subjette à ces hommes iniques
Qui, depourveuz d’amour, par leurs loix tiraniques,
Se font maistres du corps et de la volonté.
Ô grand Dieu tout-puissant ! si la femme, peu caute3,
Contre ton sainct vouloir avoit fait quelque faute,
Tu la devois punir d’un moins aigre tourment ;
Mais, las ! ce n’est pas toy, Dieu remply de clemence,
Qui de tes serviteurs pourchasses la vengeance :
Tout ce mal’heur nous vient des hommes seulement.
Voyant que l’homme estoit triste, melancolique,
De soy-mesme ennemy, chagrin et fantastique,
Afin de corriger ce mauvais naturel,
Tu luy donnas la femme, en beautez excellente,
2. Ces stances semblent avoir été faites pour être la contrepartie de celles de Desportes contre le mariage.
3. Du latin cautus, prenant ses précautions, prévoyant.