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Que je fasse partout voler vostre renom.
Elle, jettant sur moy une œillade divine,
Tire ce long discours du fond de sa poitrine :
—-Je ne desire pas me faire des autels ;
Je ne suis que par trop cognuë des mortels ;
Je ne te cherche pas pour me faire paroistre :
Ma force et ma vertu me font assez cognoistre.
Toutes fois, je veux bien, puis que c’est ton plaisir,
Te disant qui je suis, contenter ton desir.
Je suis (comme tu dis) de la divine essence,
Mère du Changement, et fille d’Inconstance.
Jupin, Mars, Apollon, et le reste des dieux
Qui ont commandement dedans l’enclos des cieux,
N’ont pas tant de pouvoir en ceste terre ronde,
Certainement, qu’en a mon humeur vagabonde.
Je fais tous les humains sous mes loix se ranger,
Mais les François premier, qui ayment le changer ;
Les François, qui leur nom ont rendu redoutable
Dedans tous les cantons de la terre habitable,
Viennent s’assubjetir à mon commandement,
Aimans, comme je fais, beaucoup le changement.
En leur langue commune ils me nomment la Mode :
Car ainsi que je veux les hommes j’accommode.
Je leur ay fait porter, pour commencer au corps,
La moustache pendante3 et les cheveux retors.
La France, en ce temps-là, s’estant accoustumée



3. On sait qu’on appeloit moustaches les cheveux tombant sur les côtés. Dans la Mode qui court, pièce du même temps (p. 3), il est parlé d’une « perruque acheptée au Palais, garnie de sa moustache derrière l’oreille. »