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conscience, rapporte de ceste assemblée mille craintes, terreurs et mortelles frayeurs à la maison. Seroit-ce pas, dit-il, maintenant que la bonté divine seroit en mon regard parvenue au dernier periode de sa patience ? Sens-je pas les coupables remors qui remuent mesnage et pincettent cruellement ma conscience ? Vois-je pas l’espée, non de Denis5, mais d’un cruel executeur, qui pend, attachée d’un simple fil, dessus moy, et menace ma criminelle teste ? Quoy ! faudra-il que je serve de spectacle à tout le monde sur un eschafaut, et qu’un glaive public limite et abrége honteusement le terme de mes jours ? Ay-je esté tant et tant de fois prodigue de ma vie, en tant de dangereuses rencontres, pour estre finalement reservé à ceste honteuse mort ? Que ne me rend la fortune les hazards des alarmes où je me suis tant de fois trouvé pour m’y faire ouvrir l’estomac d’un beau coup de picque au travers des entrailles ! Que ne me fait le ciel plouvoir et gresler des milions de pruneaux et dragées sur la teste, pour perdre en mes armes une vie glorieuse, plustost que souffrir une mort si vergongneuse6 !

Mais que dis-je ? où suis-je ? Y a-il pas moyen d’esviter ce coup ? Suis-je desjà entre les bras de la jus-


5. L’épée de Denys le Tyran au dessus de la tête de Damoclès.

6. Ce mot est plus rare que vergogne, dont il est dérivé. On le trouve pourtant dans Montaigne et dans ce passage du 1er livre des Poèmes de Ronsard :

Ils faisoient bien souvent, sans nulle autre poursuite,
Tourner les ennemis en vergogneuse fuite.