Lydas, verse tout pur, puisque la pureté
A tant de sympathie avec ceste beauté ;
Et puis, ne sçais-tu pas que l’element de l’onde
Est la marque tousjours d’une humeur vagabonde ?
Si je bois jamais d’eau, qu’on m’estime un oyson ;
Que personne, en beuvant, ne me face raison ;
Que tout autant que l’eau mon vers devienne fade ;
Que mon goust depravé rende mon corps malade ;
Que jamais de beauté ne me face faveur ;
Que l’on me monstre au doigt comme un pauvre beuveur ;
Enfin qu’aux cabarets, pour ma honte dernière,
On escrive mon nom soubs celuy de Chaudière7.
Certes, je hais ces mots qui finissent en eau :
et toute la Pléiade, dont Colletet suivoit la tradition, avoient repris cette galante coutume :
Neuf fois, au nom de Cassandre,
Je vois prendre
Neuf fois du vin du flacon.
Affîn de neuf fois le boire
En memoire
Des neuf lettres de son nom.
(Ronsard, les Bacchanales, ou le folatrissime voyage d’Hercueil, strophe 89e.)
7. On lui avoit fait la réputation de buveur d’eau ; mais, dans sa préface des Œuvres de M. de Saint-Amant (édit. elzevirienne, t. 1er, p. 10), Faret prétend que c’est un tort, aussi bien que de le faire passer, lui, pour un ivrogne : « Et combien, dit-il de Saint-Amant, qu’il m’ait fait passer pour vieux et grand beuveur dans ses vers, avec la mesme injustice qu’on a escrit dans tous les cabarets le nom de Chaudière, qu’on dit qui ne beut jamais que de l’eau. »