De qui la melodie et le doux cliquetis
Sçavent l’art d’attirer Juppiter chez Thetis,
Lors que, sollicité de son humeur plus douce,
Avecque tous les dieux il veut faire carousse2.
Amis, soyons touchez d’un semblable desir ;
Ne mesurons le temps qu’aux règles du plaisir,
Et, ne nous plongeans point dans ces vaines pensées
Des choses advenir ny des choses passées,
Sans que pas un de nous face le suffisant,
Arrêtons nos esprits aux choses du present.
Jouissons du bon-heur que le ciel nous octroye ;
Sacrifions au dieu qui preside à la joye,
Et, sans parler des roys ou bien des potentats,
Ny du dereiglement qu’on voit dans leurs estats,
Ny des divers advis du conseil des notables3,
Nous tenons là, en pleine verve de jeunesse, la première pensée d’un poëte qui ne se permit pas souvent, et surtout avec autant de bonheur, de pareilles fougues et fantaisies bachiques. Quand il fit ce morceau, il étoit de la coterie littéraire de Salomon Certon, du sieur de la Charnaye, etc. (voy. Viollet-Leduc, Biblioth. poétique, p. 452), et ce dut être le contingent poétique auquel il étoit tenu comme membre de cette assemblée.
2. Faire débauche. Rabelais écrit faire carous. C’est une expression qui vient de l’allemand gar-auss, tout vidé, que le Celtophile d’Henry Estienne (Dial. du nouv. lang. franç. italian.) nous reproche d’avoir introduit dans notre langue à une époque où l’on se plaisoit non seulement à italianiser, mais aussi à « hespagnolizer, voire germaniser, ou, si vous aimez mieux un autre mot, alemanizer. » V. aussi Régnier, édit. elzevir., satire 2, vers 174.
3. Allusion à l’assemblée des notables qui s’étoit tenue à Fontainebleau à la fin du mois de septembre 1625.