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que ce mechant acte voluptueux qui tue le corps et l’ame. Tous les livres des anciens et des modernes sont si remplis d’infinis exemples, que, si nous les feüilletons, nous verrons les punitions, misères et malheurs qui l’accompagnent. Les enfans d’Hely nous ont servi d’exemple de la divine vengeance, et ceux qui estoient du temps de Noë, comme parle nostre Seigneur en son Evangile. Valère1, livre 9, chapitre 12, nous en fournit assez quand il parle du poëte lascif et vilain qui mourut où il se plaisoit tant. Mais nous nous arresterons seulement pour le present à la recerche curieuse de la vie, meurs et façons de ceste Leonor Venitienne, issuë de riches et fameux personnages dont je tais le nom, à laquelle Nature avoit desparti tous ses dons et graces, et l’avoit doüée de parfaicte beauté, enrichie dès son commencement de vertus requises à une damoiselle bien née comme elle estoit.

On voit ordinairement qu’en un bel arbre fruitier il y a quelques branches qui sont pourries et mortes, et que, si on ne les coupoit, elles gasteroient tout l’arbre ; de mesme les parens de ceste Leonor, qui estoient beaux arbres florissans et eslevés en haut, enracinez en la vertu, produirent une branche, de commencement verdoyante, et qui, petit à petit, comme elle croissoit, elle se pourrissoit : car, dès que l’amour aveugle eut decoché ses flèches dans son cœur, elle aperceut des nouveaux traitz et desirs d’aimer, qui sont les enfans et avant-coureurs d’Amour, qui luy firent clorre les yeux de chasteté pour ouvrir ceux


1. Valère-Maxime.