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BOURDELLE PAR LUI-MÊME

De ses années d’école seules, Bourdelle eût pu conserver le plus mauvais souvenir. Il se refusait à tout travail régulier. « Votre fils n’est pas inintelligent, disait à ses parents l’instituteur, M. Rousset ; il est même curieux et ne ressemble pas à ses camarades. Il ne fait que dessiner ; il dessine du matin au soir sur le tableau, sur ses cahiers, sur ses livres. Après tout, je le laisse dessiner. »3 Bourdelle garda une profonde reconnaissance à ce maître indulgent.

Émile Pouvillon, le délicat écrivain montalbanais, l’auteur de Césette, qui inspira à Bourdelle une série de dessins, l’auteur de Jean et Jeanne, du Mystère de Bernadette de Lourdes, avait découvert le talent de cet écolier rebelle à toute discipline et doué d’une vive imagination. C’est grâce à lui que Bourdelle est envoyé par sa ville natale à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse. Il y reste neuf ans, de 1876 à 1885.

« À l’École de Toulouse, écrit-il, j’effrayai mes professeurs par mes audaces de travail. Je demeurai six mois en arrivant aux Beaux-Arts, à quinze ans, sans qu’aucun camarade sache la couleur de ma voix. J’étais obligé de mettre ce masque sauvage pour cacher ma sensibilité de feu. Je le sais aujourd’hui : à côté des leçons des maîtres peu capables de créer, mais dont on avait de fortes traditions, c’est à l’adoration des jeunes filles que j’analysais toutes au passage, que je dus cette vie de mes premiers travaux. » [1]

  1. Lettre à Mme A. Brouillon daté du 29 janvier 1912.