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français d’un échantillon décadent ; et l’aimable journaliste ajoutait généralement que l’auteur lui-même n’était pas exclu du concours.

Les vacances parlementaires et les loisirs du mois de septembre aidant, les chroniqueurs révérés s’en mêlèrent et laissèrent tomber, de leur plume docte, de graves accusations de fumisme et de mauvaise plaisanterie ; ce fut un déchaînement. Le surnom de décadent provoquait une hilarité folle sur toutes les lèvres ; on l’assimila à celui de volapückiste, d’homme de mauvaises mœurs et de bohème. Tout sonnet qui ne pastichait pas Musset ou Lamartine devait émaner d’un de ces gens-là. Et quant à leur pornographie, elle était avérée.

Qu’on sache mieux la genèse de cette légende. Toute la folie en est attribuable à un garçon limousin qui rêvait à fonder un journal parisien. Il lut un jour un article de M. Champsaur sur des écrivains bizarres encore indécouverts et comprit sa gloire future : il propagerait le Décadent. Une série d’insanités puériles se succéda sur du papier d’emballage, submergea les salles de rédaction, mystifia le public et entacha d’une éternelle ridiculité ce joli mot de décadent, jusqu’alors significatif des pompeux déclins littéraires. Anatole Baju, venu des châtaigneraies et promu modeste professeur, dans une école laïque de Saint-Denis, devenait célèbre, mais MM. Paul Verlaine et Stéphane Mallarmé voyaient leurs noms compromis dans ces propagations de sornettes. Un groupe de turlupins se rallia aux cris de Bajoie et Saint-Denis et élabora la rédaction de son organe. Ses frères de Montmartre lui répondi-