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fantaisies sans cesse renouvelées, aux « cascades » inépuisables des deux pitres épiques Désiré et Léonce. Un couple merveilleusement assorti d’ailleurs : Léonce, long, mince, blême, flegmatique ; Désiré, court, ventru, haut en couleur, la figure épanouie, l’air tout à fait rabelaisien.

Rabelaisien, il le fut même avec exagération, certain soir qu’il avait trop bien dîné. En le voyant entrer en scène, tout le monde, dans les coulisses, fut pris d’inquiétude. Pourtant, le premier acte se passa sans encombre. Le bonhomme avait bien la parole un peu lourde et les jambes flageolantes, mais, grâce à son autorité et à sa grande habitude, il s’en tirait tout de même, se bornant par instants à rouler de-ci delà, puis se reprenant très vite et ne manquant ni une réplique ni un jeu de scène.

Mais, quelle catastrophe au second acte ! Jusque-là, il n’avait fait que « dodeliner de la tête » ; cette fois, il « barytonna »…

Il y eut dans la salle un gros moment de stupeur. Fallait-il rire ou se fâcher ? Ce fut Léonce qui sauva la situation : à l’instant même, entrait en scène le ténor Sytter, qui devait, par tradition, taper sur le ventre de Désiré. Comme il esquissait le geste, Léonce l’arrête et, d’une voix grave et triste, en levant le doigt au ciel :