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spectateur et il était de mode, à la fin du spectacle, d’aller au petit café de la rue de Bondy déguster « la soupe aux choux à la Camargo. »

Mais ce n’était pas seulement dans le public qu’elle avait des amateurs. Parmi les artistes chargés des rôles accessoires, il en était un, un pauvre diable qui n’avait pas toujours de quoi manger — peut-être aussi parce qu’il avait trop souvent de quoi boire. Pour lui, cette scène fut une bonne fortune envoyée par la Providence. Il l’attendait avec impatience et, pendant cent vingt soirées de suite, il se vit ainsi assuré de ne point s’en aller se coucher le ventre creux.

Il y avait plus d’un an qu’il avait quitté le théâtre quand on annonça la première reprise et nous le vîmes revenir demander sa place au festin, comme un droit acquis ; nous lui avions même promis en riant de faire à son intention un Enfant prodigue à la fin duquel on mangerait le veau gras. Et il s’en réjouissait d’avance. Hélas ! Quand on rejouera la pièce, il ne sera plus là pour

Vivre de bonne soupe !
13 octobre 1912.