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favoris à l’autrichienne, ses yeux si vifs sous le pince-nez immuable et ses lèvres sarcastiques toujours prêtes à lancer quelque boutade ou quelque trait plaisant !

Presque chaque jour, après son déjeuner, on était sûr de le rencontrer là, fumant un cigare de choix devant la table ronde qui lui était toujours réservée d’un bout de l’année à l’autre.

Je l’y vois encore, dans l’angle qui faisait face au boulevard, l’hiver, frileusement emmitouflé dans une fourrure, l’été, serré dans sa jaquette, avec un œillet piqué à la boutonnière. Auprès de lui, toute une garde d’honneur : d’abord, Tréfeu, un de ses premiers collaborateurs, puis Mario Uchard, Gustave Claudin, Charles Narrey et autres boulevardiers avérés.

Et la conversation allait son train au milieu des rires, des bons mots, et des potins de la veille ou du matin, car l’auteur de la Belle Hélène et d’Orphée, lorsqu’il n’était pas occupé par ses répétitions ou retenu chez lui par quelque travail pressé ou par un fâcheux accès de goutte, n’avait pas de plus grand plaisir que de passer de longues heures à deviser gaîment. Mais il ne fallait pas, à ces moments-là, venir lui parler d’affaires de théâtre, et le collaborateur qui avait l’imprudence de s’y risquer était généralement assez mal reçu :