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arrivait des faubourgs et grossissait toujours ; les coléres montaient, des imprécations s’élevaient, les ouvriers coudoyaient les soldats, ceux-ci hésitèrent, puis tout à coup, comme par un brusque changement à vue, soldats et ouvriers fraternisèrent, les ordres des chefs ne furent plus écoutés et la foule exaspérée s’empara du général Lecomte, qui, en commandant le feu, venait d’un seul geste d’ordonner la mort de centaines d’hommes, femmes et enfants.

En conduisant le général Lecomte au poste de la rue des Rosiers, la foule irritée rencontra le vieux général Clément Thomas, qui fut reconnu ; quelqu’un cria : « C’est celui qui, en 48, fit massacrer des centaines d’ouvriers », et sur cette dénonciation, qui équivalait à un arrêt de mort, Clément Thomas fut arrêté, poussé au mur et fusillé avec Lecomte.

Furent-ils fusillés par la Commune ? La Commune n’existait pas encore, et il est absurde de la rendre responsable des actes d’une foule exaspérée, livrée à ses seules impulsions.

La Commune, dis-je, n’existait pas ; seul le gouvernement régulier existait, mais il n’était plus à Paris, car à la première nouvelle de la résistance de la population aux troupes chargées de la désarmer, M. Thiers et le gouvernement s’étaient réfugiés à Versailles. Le 18 mars, Paris avait été abandonné par toutes les autorités régulières et aussi par les républicains bourgeois qui, fidèles à de vieilles habitudes, s’étaient mis du côté où ils croyaient que se trouvait la force.

Ce furent, à peu près exclusivement, des ouvriers et des petits bourgeois, démocrates ou socialistes obscurs, qui prirent la tête de l’insurrection ; les chefs de la Garde nationale formèrent le Comité central. M. Thiers, qui se trouvait à Versailles, n’avait pas de troupes, celles-ci ayant été licenciées, il fallait gagner du temps. Alors se joua une honteuse comédie dont il importe de bien préciser les détails.

Un intime ami de Thiers, M. Saint-Marc de Girardin, disait le 19 mars : « J’ai vu M. Thiers, il ne sait pas ce qu’il veut, mais il le veut énergiquement ». Ce que Thiers voulait, on le sut plus tard, c’était un massacre, mais il