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A. L’impôt des vivres. Dans le memorandum concernant l’application de l’impôt en travail dans l’État Indépendant du Congo, qu’il adressa à sir Edward Grey le 31 décembre 1907, le consul général Thesinger déclare que, pour les fournitures de vivres, comme pour la récolte du caoutchouc, le montant des prestations, en dépit de la loi des quarante heures, ne parait limité que par les besoins de l’État et la capacité de production des indigènes.

Voici, par exemple, comment il résume les constatations du vice-consul Armstrong, du consul américain Smith et des missionnaires protestants, pour ce qui concerne le Stanley Pool :

À Léopoldville, l’État emploie environ 1.200 ouvriers, lesquels, avec un détachement de 120 soldats, plus leurs femmes et enfants, forment une population de 2.000 personnes, pour lesquelles on trouve des rations en imposant une taxe en chikwangue sur les femmes vivant dans les villages environnants.

Pour obtenir la quantité nécessaire, la taxe est estimée à 400 kilos par tête et par an, pour laquelle, par « un acte de pure condescendance », l’État paie 6 centimes par kilo en marchandises, rendant ainsi en apparence, en nature, la valeur totale de la taxe de 24 francs imposée.

La vérité est que la valeur marchande de la chikwangue est de 10 centimes par kilogramme, et, de l’autre côté du Stanley Pool, à Brazzaville (Congo français), on obtient 25 centimes par kilogramme. De cette façon, si l’indigène était libre de vendre le produit de ses cultures et de son labeur, les 400 kilos vaudraient au moins 40 francs, laissant un bénéfice de 16 francs à l’indigène, même après avoir payé le maximum d’impôt.

Si ces 6 centimes étaient payés en monnaie, l’injustice serait encore évidente, mais on les paie en étoffe, évaluée à 10 francs par pièce de 7 mètres, ou en autres marchandises commerciales, évaluées de la même façon. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. On pourrait ajouter que les indigènes n’ayant pas l’emploi de l’étoffe ainsi gagnée, s’estiment heureux s’ils peuvent la revendre à 8 francs la pièce, ce qui diminue encore leur rémunération. Or, ce fait est tellement général, que tout un commerce de détail s’est organisé avec ces étoffes.

Quant aux temps et travail nécessaires pour produire ces 400 kilos de chikwangue, les rapports de MM. le vice-consul Armstrong, le consul américain M. Smith et les missionnaires sont tous