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seconde zone était de 43 kilomètres, et, pour la troisième, de 79 kilomètres. Les populations comprises dans la zone la plus rapprochée fournissaient leurs chikwangues tous les quatre jours ; ceux de la suivante, tous les huit jours ; ceux de la plus excentrique, tous les douze jours.

Il y avait donc, à cette époque, des imposés qui devaient faire, tous les douze jours, le trajet aller et retour de leur village à Léopoldville, soit plus de 150 kilomètres, pour apporter au lieu de perception une taxe eu nature de la valeur de 1 fr. 50 !

L’absurdité et l’odieux de cette corvée frappèrent la Commission. Certaines atténuations y furent apportées, à la suite de son rapport ; mais, comme nous le verrons plus tard, l’imposition en vivres fut maintenue et subsiste encore jusqu’en 1911 ou 1912 dans la moitié du Congo.

C. La récolte les produits domaniaux. De toutes les formes du travail forcé, c’est incontestablement la récolte des produits domaniaux, la corvée du caoutchouc, imposée aux indigènes par les agents personnellement intéressés à leur faire rendre le plus possible, qui a provoqué le plus de plaintes et engendré le plus d’abus.

À première vue, cependant, il ne semble pas que ce soit chose bien pénible que d’inciser des lianes et d’en recueillir le latex. Mais il faut songer qu’au début surtout — la Commission d’enquête le constate — la loi des quarante heures était absolument lettre morte : que les indigènes devaient rester hors de chez eux quinze jours, trois semaines, séparés de leurs femmes, privés de leur nourriture habituelle, obligés de se contenter d’un abri provisoire ; que, de plus, si le travail du caoutchouc, en lui-même, n’est pas fatigant, il se fait, presque toujours, dans des conditions qui le rendent malsain ou périlleux : la forêt où les récolteurs travaillent est marécageuse, et ils sont souvent dans l’eau jusqu’aux genoux. Ils courent le risque de se casser le cou, en montant aux grands arbres, pour en détacher les lianes. Ils ont peur des fauves.