Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ditions vers le Nil, que date la transformation de l’État Indépendant, libéral et humanitaire, en une colonie d’ancien régime, tirant du travail forcé des indigènes la majeure partie de ses ressources.

Certains ont pensé que, dès l’époque où sa diplomatie triomphait à la Conférence de Berlin, Léopold II avait des arrière-pensées de lucre et d’absolutisme.

Nous ne le croyons pas.

Tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre, et qui ont été, au début, ses collaborateurs, — sauf à devenir plus tard les adversaires inflexibles de sa politique, — s’accordent à dire qu’en 1885, Léopold II n’avait réellement pas autre chose en vue que de réaliser le programme de l’Association internationale africaine.

Il est un fait, d’ailleurs, qui suffirait, à lui seul, pour l’établir : en 1884, lorsque la place de gouverneur du Congo devint vacante, par suite du départ de Stanley, le roi fit de pressantes démarches pour obtenir le concours du général Gordon, qui accepta tout d’abord et ne revint sur son acceptation que pour se rendre, sur l’ordre du gouvernement anglais, à Khartoum, où l’attendait son destin.

Or les sentiments philanthropiques de Gordon étaient assez connus pour que sa désignation fût tout un programme de désintéressement et d’humanité dans le traitement des indigènes[1].

Au surplus, pendant plusieurs années encore, les actes de Léopold II se comformèrent à ses promesses, et, peut-être, avait il sincèrement la préoccupation d’en finir avec la traite, lorsqu’il entama la lutte contre les Arabes, puis contre les Mahdistes

Mais, pour faire face aux nécessités de ces guerres difficiles et onéreuses, ainsi que pour rendre effective l’occupation du territoire de l’État, il lui fallait des hommes et de l’argent.

Pour se procurer des hommes, on eut recours à des noirs de

  1. Cf. Johnston. Georqes Grenfell, II, 413.