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« Au lecteur non familiarisé avec l’histoire africaine, la campagne arabe paraîtra peut-être comme une curieuse petite guerre entre une douzaine d’officiers blancs et quatre cents noirs réguliers, d’une part, contre environ deux cents chefs arabes, renforcés par quelques certaines de leurs métis dirigeant des bandes nombreuses d’irréguliers. Mais il faut bien se convaincre que, contrairement à ce qui s’est passé dans le Soudan, les péripéties de cette guerre se sont déroulées dans une contrée fort peuplée dont les habitants, accoutumés à la guerre sauvage, prirent une large part à l’action ; de nombreux contingents changeaient constamment de parti, suivant que l’un ou l’autre belligérant gagnait ou perdait en prestige[1]. »

Dans ces conditions, plusieurs milliers d’hommes se trouvèrent en présence, et, comme la plupart étaient des sauvages, réfractaires à toute discipline, il y eut, après chaque bataille, des scènes abominables de carnage et de cannibalisme.

Le Dr Hinde raconte, par exemple, qu’après un combat sur le Lomami, les seules traces laissées étaient, çà et là, des endroits ensanglantés, marquant la place où les victimes du combat avaient été découpées pour servir au banquet du soir des survivants victorieux. Il ajoute même que ses compagnons de camp ne faisaient pas de différence entre leurs tués ou leurs blessés et ceux de l’ennemi. Une des femmes de Gongo Lutété, le principal chef des auxiliaires indigènes, fut tuée pendant la bataille ; elle fut découpée et mangée par ses propres gens. Toutefois. Gongo Lutété en tira vengeance sommaire le lendemain en donnant les coupables à leurs camarades pour servir de repas.

C’est au prix de telles horreurs, qu’après une campagne de dix-huit mois, où Dhanis et ses compagnons firent preuve d’un courage et d’une endurance incroyables, les traitants Arabes furent refoulés vers le Tanganika : Nyangwé fut pris en mars 1893 ; Kasongo tomba le 23 avril suivant, et, le 24 avril la chute de Kabambaré termina la guerre,

  1. Hinde. La chute de la domination des Arabes au Congo (trad. fr.), p. 22. Bruxelles, 1899.