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Nombre de mes compatriotes, parmi ceux mêmes qui ont le plus fait pour l’abolition du régime Léopoldien, estiment que pareilles interventions sont, désormais, inutiles et même suspectes. Ils les attribuent à des mobiles politiques. Ils reprochent aux réformateurs du Congo de voir la paille dans l’œil d’autrui, et de se refuser obstinément à voir la poutre dans le leur. Ils déclarent que la Belgique a donné des preuves suffisantes de son bon vouloir, pour qu’il ne soit plus nécessaire d’en appeler contre elle à l’opinion publique des autres pays.

J’avoue, très franchement, n’être pas de cet avis.

Certes, je puis admettre qu’à côté des hommes admirables qui se sont consacrés, avec un désintéressement absolu, à la défense des indigènes du Congo, après avoir victorieusement mené des campagnes analogues dans leurs propres colonies[1], il y en ait d’autres dont les intentions soient moins pures. Quel est le mouvement humanitaire que des pêcheurs en eau trouble n’essaient point d’exploiter au profit de leurs intérêts ou de leur ambition ?

D’autre part, j’éprouve moi-même quelque agacement, lorsque je vois certains philanthropes, qui n’ont jamais eu un mot de blâme pour les crimes coloniaux de leurs gouvernements, pour l’extermination des Herreros, par exemple, réclamer des réformes au Congo belge avec un zèle d’autant plus ardent qu’il a été plus tardif.

Enfin, je ne demande pas mieux que d’espérer qu’en Belgique même, l’opinion publique soit assez forte, assez active pour en finir avec le régime Léopoldien, sans avoir besoin de l’appui du dehors.

Mais aussi longtemps que les réformes ne seront pas menées à bien, aussi longtemps qu’il y aura au Congo un indigène

  1. Fox Bourne, par exemple, comme secrétaire de l’« Aborigenes Protection Society », fut souvent très dur pour le gouvernement anglais, et l’un des premiers livres d’Ed. Morel, Affairs of West Africa, fut écrit, en partie, pour dénoncer les abus commis dans les colonies britanniques.