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substituer à leurs coutumes, à leurs institutions, à leurs tendances propres, des idées et des règles empruntées à une autre civilisation, plus on aura de chances d’obtenir de favorables résultats.

Ces tendances, ces institutions, ces coutumes, il est vrai, s’éloignent autant que possible des nôtres, et j’entends déjà d’excellents démocrates socialistes me reprocher, par exemple, de vouloir, sous prétexte de respecter des coutumes indigènes, maintenir le despotisme des chefs et ses deux fondements essentiels : la polygamie, avec achat des femmes, et l’esclavage domestique.

À ceux qui pensent ainsi, je me permets de signaler le témoignage fort intéressant d’un fonctionnaire qui se trouve précisément dans une des régions du Congo où le pouvoir des chefs passe pour être le plus despotique :

Les chefs indigènes ont été attaqués — m’écrivait-il — : on les rend responsables de tous les méfaits. Certes, ils ne sont pas irréprochables, mais leur autorité ne s’exerce, toutefois, que suivant la coutume. Ils ne sont pas les potentats tout-puissants, et n’obéissant qu’à leurs caprices, que l’on s’est plu à représenter. S’il y a eu, parmi eux, des despotes de ce genre, ce n’est pas un motif pour condamner l’institution tout entière. Il convient de remarquer d’ailleurs que, parmi les sujets des plus puissants d’entre eux, de ceux qui sont représentés comme les plus sanguinaires — les chefs Azande du nord de l’Uele —, on ne constate pas d’émigration dans nos stations, bien que personne n’ignore que nous accordons une protection sûre à ceux dont la vie est menacée. Nous voyons bien quelques fugitifs, mais en petit nombre, et ce sont toujours des gens qui ont contrevenu d’une manière quelconque à la coutume de leur pays. D’autre part, il est bien certain que c’est l’autorité et la puissance de ces chefs, qui ont soustrait leur population à l’exploitation à laquelle ont été soumises les peuplades moins bien organisées de la forêt. Ayant à faire face aux Mahdistes, l’État Indépendant s’est vu obligé de respecter ces chefs qui se trouvaient placés sur le flanc de la ligne d’approvisionnement. N’y eut-il que ce seul fait à marquer à leur actif, contre une multitude d’abus à leur passif, que les indigènes leur devraient encore une grande reconnaissance. Même pour les peuplades qui leur sont soumises et qui sont leurs vassales, leur influence n’est pas nécessairement mauvaise.