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damné à travailler, non pour moi-même ou pour mes enfants, mais pour un dur patron. Celui-ci se présente, maintenant, devant vous, avec le bénéfice de mon labeur en poche et demande une compensation. Si vous avez vraiment de l’argent à donner, payez-moi, d’abord, la compensation à laquelle j’ai droit[1]. »

Mais les indigènes de l’Abir ou de la Mongala ne manifestent point de telles exigences. Ils s’estimeront heureux si, désormais, on les laisse à peu près tranquilles, et nous croyons avoir montré que le gouvernement peut leur assurer ce bienfait, en opposant, purement et simplement, à ceux qui lui proposent d’autres combinaisons, le texte même des conventions de 1906.

D’une manière générale, d’ailleurs, il suffira, ou plus exactement, il suffirait d’appliquer à la lettre — comme à Shylock — les conventions faites par l’État Indépendant avec les sociétés concessionnaires, pour que celles-ci ne tardent pas à être réduites à composition et à demander, elles-mêmes, d’échanger leur privilège, devenu illusoire, contre des terres d’étendue relativement faible où elles pourraient entreprendre des plantations.

Leur concession, en effet, avait une valeur réelle, aussi longtemps que subsistait l’impôt en travail et que, sur le reste du territoire, les indigènes n’avaient pas le droit de disposer des produits du sol.

Cette valeur a déjà décru, depuis qu’elles n’ont plus le droit de recourir à la contrainte. Elle décroîtra encore, lorsque leurs territoires ne formeront plus que des îlots dans la mer de la liberté commerciale. Elle serait réduite à néant, le jour où des réformes plus profondes détruiraient ce qui reste encore du régime Léopoldien, dont elles ne sont qu’un corollaire.

Nous nous proposons, dans les chapitres qui vont suivre, de justifier ces réformes, notamment en ce qui concerne le régime foncier, l’organisation du travail et l’autonomie des communautés indigènes.

  1. Cité par Félix de Vera. lEssai sur les principes de colonisation. Bruxelles, 1908.