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Le décret que nous venons d’analyser a ceci de bon qu’il reconnaît explicitement que les indigènes doivent, autant que possible, s’administrer eux-mêmes, conformément à leurs coutumes.

Mais, d’autre part, la préoccupation s’affirme, pour ainsi dire à tous les articles, d’organiser, par l’intermédiaire des chefferies, un système de contrainte fiscale auquel il soit très difficile aux contribuables de se soustraire.

Tout d’abord, nous voyons reparaître les messagers indigènes, qui, sous un nom différent, n’ont jamais été autre chose que les capitas, les sentinelles armées de l’ancien régime.

En second lieu, de nombreuses corvées locales — l’impôt des seize heures au lieu de l’impôt des quarante heures — viennent s’ajouter aux taxes en argent, pour tous les services, précisément, qui peuvent être de quelque utilité directe pour les populations ; si bien que l’on ne doit guère s’attendre à les voir obtenir grand’chose en échange des impôts de 5 à 12 francs qu’elles devront payer.

Enfin, les dispositions relatives à l’émigration peuvent, si elles sont appliquées dans un esprit restrictif, avoir pour effet d’attacher les indigènes à la glèbe, de les transformer en véritables serfs du fisc.

C’est ce que M. Speyer a fait observer, en ces termes, au Conseil colonial :

J’ai des doutes sérieux sur la légalité de la mesure qu’on nous propose, mais, en tout cas, je la repousse, en elle-même, à raison de son caractère réactionnaire. En effet, la législation qu’on nous propose est plus restrictive que celle de l’ancien État Indépendant du Congo. Comme le prouve la circulaire du 16 août 1906, cette dernière législation assurait aux indigènes la liberté d’aller et venir sans aucune restriction. On leur défendait simplement d’aller fixer leur domicile définitivement dans une autre chefferie sans une autorisation, mais les déplacements temporaires n’étaient soumis à aucune réglementation. Le principe que vous allez consacrer est contraire également à la liberté du commerce, telle que la définit le régime économique nouveau. Vous attachez l’indigène à la terre[1].

  1. Compte rendu analytique du Conseil colonial, 1910, p. 518.