CHAPITRE I
LA CRÉATION DE L’ÉTAT INDÉPENDANT
§ 1. — Le Congo avant Léopold II
Certains critiques de l’État Indépendant du Congo, se faisant de la vie sauvage une idée à la Jean-Jacques Rousseau, ont une tendance à croire qu’avant de devenir les sujets et les serfs de LÉOPOLD II, les indigènes du Congo menaient une existence heureuse et paisible, dans les solitudes de la forêt et de la brousse.
Il y a, d’ailleurs, une âme de vérité dans cette opinion, et, sans doute, les vieillards du district de l’Équateur, au spectacle des infortunes de leur race, doivent regretter le temps où Coquilhat, nouvellement arrivé dans la région (1883), décrivait en ces termes les villages forestiers du Haut Congo :
« Dans leur cadre de végétation, les humbles cités ont un aspect riant et agréable. Autour des feux de bois, portant les grandes marmites en terre dans lesquelles cuisent les repas, les femmes cuisent les légumes, préparent le manioc, allaitent les enfants, tissent les nattes ou coiffent leurs maîtres. Les bambins gambadent tout nus. Les hommes discourent entre eux, ou boivent, ou font leur toilette, ou se livrent à quelque menu travail insignifiant…
Leur paresse est typique.
Le climat les dispense de vêtements chers et jusqu’à notre arrivée, ils avaient peu d’objets de luxe dont la tentation aurait