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capitale — je songe, par exemple, au Musée colonial et à la voie triomphale de Bruxelles à Tervueren —, mais dont beaucoup se caractérisaient, au contraire, par leur mauvais goût et leur inutilité.

Que l’on ait toujours présentes à l’esprit ces trois idées cardinales du Roi : réduire au minimum la part héréditaire de ses filles, tirer d’énormes bénéfices du domaine colonial qu’il avait créé, affecter la majeure partie de ces bénéfices à des travaux somptuaires, que le Parlement belge n’eût certes pas consenti à voter, et l’on comprendra aisément les détails, parfois compliqués, du plan d’exécution que Léopold II poursuivit, envers et contre tous, pendant plus de trente-cinq ans, avec une obstination, une persévérance et, maintes fois aussi, une absence de scrupules, dont il serait difficile de trouver l’équivalent.


§ 1. — La donation royale.


Dès le début de son règne, en 1873, Léopold II commença à agir dans le sens des idées qui lui étaient chères. Il s’adressa aux ministres Malou, Beernaert et Delantsheere et leur tint à peu près ce langage : « Je n’ai que des filles. Il n’est pas d’usage, dans les autres familles souveraines, de donner à des princesses royales autre chose qu’une dot. Je vous propose donc de donner toute ma fortune à la Liste civile, érigée en personne morale, laissant à l’État le soin de doter, comme il l’entendra, les princesses, mes filles, quand le moment sera venu. » Cette proposition fut très mal accueillie. Le chef du cabinet, M. Malou, s’écria, fort en colère, « qu’il se laisserait couper la main plutôt que de signer pareil acte, qui donnerait à croire que le Roi n’avait pas pour ses filles les sentiments d’un père ! » MM. Beernaert et Delantsheere, interrogés à leur tour, déclarèrent que ce projet était illégal, inconstitutionnel ; que « si le Roi était le premier des Belges, il était Belge et ne pouvait se mettre au-dessus de la loi ».