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Les anciens habitants ont émigré, ou se sont enfuis dans l’intérieur pour se soustraire à l’impôt. D’autres ont été victimes de répressions et d’ « expéditions punitives ». D’autres, en grand nombre, ont été fauchés par la maladie du sommeil.

Mais la maladie du sommeil, elle-même, fait vraisemblablement le plus de ravages, lorsqu’elle s’attaque à des populations surmenées, débilitées, démoralisées, et il ne semble pas douteux que le système du travail forcé, avec les excès qui devaient fatalement en résulter, ait supprimé beaucoup plus de vies humaines que, jadis, le cannibalisme, les sacrifices funéraires, les ordalies, et même les guerres entre tribus.

Dans ces conditions, il est impossible de ne pas conclure qu’au point de vue humanitaire, le régime inauguré dans le Centre-Afrique par Léopold II ne saurait être assez sévèrement condamné.

Mais ce n’est pas à ce point de vue que beaucoup de gens se placent. Ils invoquent l’argument de la nécessité. Ils affirment que si le Roi Souverain avait procédé autrement, son échec eut été inévitable. Ils vantent le rendement économique du système et soutiennent que nul autre n’eût donné des résultats aussi rapides et aussi brillants.

Toutes réserves faites quant à la légitimité de ce critère, voyons ce qu’il faut en penser.

Un fait, assurément, n’est pas contestable, c’est que la politique inaugurée en 1892, pour couvrir les dépenses énormes nécessitées par l’exploration hâtive du Congo, l’occupation militaire de son immense territoire, la guerre contre les Arabes, les chimériques expéditions vers le Haut Nil, l’exécution de vastes travaux en Belgique, a donné les résultats financiers immédiats que l’on en attendait.

Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur le tableau suivant, emprunté à la statistique générale des exportations (commerce spécial), de 1886 à 1909.