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Concessions, l’introduction du commerce libre dans le Domaine de l’État — à supposer qu’elle soit effective — aura des conséquences heureuses, même pour les indigènes établis sur les territoires concédés : étant donné, en effet, que les compagnies concessionnaires n’ont plus aucun moyen de contrainte, rien ne les empêchera, s’ils y trouvent avantage, de vendre le caoutchouc aux colporteurs qui feront le trafic dans les régions voisines.

C’est déjà ce qui se passe dans le district du Stanley Pool, où les noirs établis dans la concession de l’American Congo Company trouvent le moyen d’obtenir du commerce libre, 3 francs le kilo pour le caoutchouc d’herbes, 5 francs le kilo pour le caoutchouc de lianes, et, dans ces conditions, n’apportent rien ou presque rien, dans les postes de la Société concessionnaire, qui ne leur offre que des prix insuffisants. Celle-ci ne fait guère plus de deux tonnes par mois, ce qui n’est même pas assez pour payer ses agents, et se montre, parait-il, disposée à échanger sa concession, qui ne vaut plus rien, contre un petit nombre d’hectares en pleine prospérité.

Il va de soi que, dans de grandes concessions comme l’Abir, les indigènes des parties centrales auront plus de peine, si l’exploitation reprend, à échapper aux prix du monopole de la Compagnie. Mais il est probable, néanmoins, que le jour où ils sauront que l’on paie des prix plus élevés dans la zone de liberté commerciale, le caoutchouc passera de mains en mains, par une série de transactions entre les noirs, jusqu’aux endroits où il se vendra le mieux.

C’est ainsi que, les concessions ayant perdu la plus grande partie de leur valeur, le moment viendra, peut-être, où les sociétés à monopole s’estimeront heureuses d’obtenir, en échange d’un privilège périmé, la pleine propriété d’une faible partie de leur territoire, pour y faire des plantations.