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tout cela ; Jean Dovey cessant d’écrire ne laisserait derrière lui que le néant.

Cette conviction le cingla d’un suprême coup de fouet ; l’orgueil fit ce que n’avait pu faire la volonté et, poussé vers sa table par une force impérieuse, on eût pu le voir, soudain, profondément absorbé, amoncelant les feuillets avec ardeur autour de lui, comme quelqu’un que talonne une tâche irrémissible ou une inspiration abondante. Toutefois, au contraire de ses habitudes d’expansion et d’aimable confiance à l’égard de siens, il les tint éloignés de son cabinet et ne leur parla de son œuvre qu’avec des réticences, une sorte de discrétion soupçonneuse, laissant entendre, seulement, qu’elle serait forte et qu’elle porterait haut la gloire de son nom. À peine descendait-il pour ses repas et il avait renoncé, même, à sa promenade hygiénique, pour donner tout son temps à sa besogne.

Des jours, bien des jours passèrent dans ce labeur opiniâtre et mystérieux, et quand Jean Dovey consentit à soumettre à d’autres son manuscrit, on comprit qu’il était fou, car la trace d’aucune écriture n’apparaissait sur le papier et, à l’exception de la première, où figurait le titre, toutes les pages de son livre étaient blanches.

Marguerite Vande Wiele.

Décembre, 1886.

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