Page:Van Lerberghe - Contes hors du temps, sd.djvu/44

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et ils comprirent suffisamment

Ils refermèrent leur armoire,
Et firent une croix dessus.
Puis l’herbe crût dans leur mémoire
Et puis ils n’y pensèrent plus.

Ils avaient maintenant une fille
Sombre et farouche, dormant en rond,
D’étranges manières, pas bien gentille,
Mais qu’ils aimaient, quand même, au fond.

Être de silence et de proie,
Créature de songe et de sommeil,
Bête de velours et de soie,
Fille du Sud et du soleil.

Noire mais belle, ainsi qu’est dite
« Tota nigra sed pulchra »,
L’illustre reine de Saba,
Et la divine Sulamite.

C’est qu’elle avait une belle âme
En son sein de paix et d’amour,
Blanche et claire comme une lame
En une gaine de velours.

Une âme de petite fille en peine,
Au fond de ses yeux de belle-de-nuit,
Une âme mélancolique et lointaine,
Comme la lune au fond d’un puits.

Il ne faut donc jamais pleurer,
Il ne faut pas désespérer.
La mort n’est rien. Les belles choses
Ont de belles métamorphoses.

Tout dans la nature
Est sujet à de sages lois.
Une belle créature
Est immortelle en soi.