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— Et que disent-elles ? — Elles disent : Faim ! Faim !
Encore, et toujours, et sans cesse et sans fin :
Faim ! Et les petits disent : Faim ! Et les vieux disent : Faim !
Notre Père ! Notre Père ! Faim ! Faim ! Faim !
Notre Père ! Notre pain !
Et d’autres, à la fois, clament faim et froid,
Criaillent : Faim ! Croassent : Froid !

— Et les poissons que disent-ils ?

— Les poissons sont au fond de l’étang.
Ils regardent sous la glace avec de grands yeux navrants.
Ils demandent, dans leurs prières,
De l’eau, de l’air, tristement à voix basse ;
Car l’eau gèle jusqu’à terre,
Car ils étouffent, et vont mourir.
Ils prient dans les profondeurs,
Et leurs voix mornes et crépusculaires
S’élèvent des grands étangs solitaires…
Mais personne ne les entend.

— Et que font les hiboux ?

— Ils volent sur la ville, dans les ténèbres,
Comme des cloches funèbres ;
Ils crient : Unissez-vous ! Unissez-vous !
D’un ton très plaintif et très doux.
Et c’est la lamentation suprême.
Car les loups et les corbeaux
Ont mangé le petit agneau,
Et sa mère lèche son sang
En pleurant et en bêlant ;
Et quand on l’entend, le cœur se fend !
Car la misère est sur la terre ;
Et l’universel hurlement
Gronde et monte vers le ciel sombre,
Vers le ciel implacablement !

— Ô mère ! Écoute !… Il semble aussi