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PHILADELPHE DE GERDE

(1871)

Celle qu’on pourrait dénommer justement la Muse pyrénéenne, Mme Claude Réquier, — naguère Mlle Duclos, née à Gerdes, en Bigorre, le 28 mars 1871. Elle a collaboré à diverses feuilles félibréennes et s’est fait connaitre en donnant successivement, sous le pseudonyme de « Philadelphe », quatre recueils de vers gascons : Posos perdudos, Soubenis, Impressious (Moments perdus, souvenirs, impressions), Avignon, J. Roumanille, 1892, in-12 ; Brumos d’autouno (Brumes d’automne), ibid., chez le même éditeur, 1894, in-12 ; Cantos d’azur (Chansons d’azur), ibid., 1897, in-12 ; Cantos d’eisil (Chansons d’exil), sans indication de lieu et sans nom d’éditeur (Mâcon, impr. Protat fr.), 1902, petit in-18.

La poésie de Philadelphe de Gerdes, d’une grâce presque inimitable et d’un lyrisme ardent, est la plus pure, la plus souriante expression des vertus d’une race attachée au terroir. Aussi ce n’est point par complaisance qu’un critique a dit : Philadelphe est une femme… une enfant des montagnes de la Bigorre, une Sapho instinctive et rustique, ignorante des trésors de poésie et de sentiment que lui répartit la bonne fée de son berceau. Elle vit, inconsciente fleur des champs, au seuil de cette délicieuse vallée de Campan, la Tempé des Pyrénées. Comme la gentiane des sommets ouvre ses corolles aux purs effluves de la vie, son enfance et sa jeunesse se sont épanouies dans la solitude, loin de l’atmosphère troublante des cités, loin de nos passions, de nos haines, de nos angoisses, tout près du ciel, dans cet azur enivrant où se modulent les accords de l’universelle Harmonie… Ses vers sont l’écho des mélodies champètres au sein desquelles elle a grandi. On y entend mugir le torrent, chanter la cascade, bruire le ruisseau qui serpente dans les verts pâturages où s’épandent les troupeaux, où se repose, sous le tremble et l’yeuse, la génisse à l’œil doux et rèveur… Philadelphe possède le sentiment profond de la communion des êtres et des choses ; elle peint comme l’oiseau chante, mue par un divin instinct [1]… »

  1. Jean-Paul Clarens, Préface aux Posos Perdudos, 1892.